Climat : le gigantesque bassin du fleuve Congo s’assèche

Publié par IRD Occitanie, le 10 novembre 2025   200

Le deuxième plus grand bassin fluvial au monde subit un assèchement depuis quatre décennies, sous l’effet du changement climatique.

Les grands bassins fluviaux et forestiers tropicaux jouent un rôle crucial dans la régulation du climat global et abritent des ressources qui font vivre des millions de personnes. Mais tandis que l’Amazonie, le plus grand d’entre eux, fait l’objet de très nombreux travaux scientifiques, son pendant africain reste largement méconnu. Longtemps tenu à l’écart des recherches par la situation politique et sécuritaire, le bassin du fleuve Congo commence seulement à livrer ses secrets, alors même que sa situation devient préoccupante.


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« Le bassin du Congo subit aujourd’hui tous les problèmes liés au changement climatique, à l’accélération du cycle hydrologique, à l’exploitation des forêts et des ressources minières. On se retrouve donc avec un bassin peu connu, soumis à une forte dégradation environnementale. Pour l’étudier de manière plus holistique, les scientifiques de l’IRD et leurs partenaires régionaux1 ont mis sur pied une force de frappe collaborative depuis une dizaine d’années », explique Fabrice Papa, hydroclimatologue à l’IRD au sein de l’unité LEGOS.

Une nouvelle étude, portée par un regroupement de chercheurs spécialistes des bassins fluviaux et forestiers tropicaux, vient documenter une tendance à long terme à l’assèchement du fleuve Congo.


Quarante ans de données

Les scientifiques ont mobilisé de nombreuses sources pour étudier l’évolution de l’hydrologie du bassin sur les quarante dernières années : mesures de pluie, d’évapotranspiration, d’humidité, mais aussi observations satellitaires et modèles mathématiques.
La collaboration avec des spécialistes du bassin de l’Amazone a permis d’intégrer des modèles et des analyses directement issus de leurs recherches.


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« Le Congo est un bassin similaire à l’Amazonie, par sa dimension et par les impacts qu’il exerce sur le climat global. Nous avons donc utilisé des connaissances acquises sur l’Amazonie et mobilisé des modèles mis en œuvre dans cette région, en plus de ceux spécifiques au Congo, pour mieux comprendre le cycle de l’eau », précise Sly Wongchuig, hydrologue, post-doctorant au LEGOS.


Les résultats montrent que le Congo a tendance à s’assécher depuis quatre décennies. C’est notamment le cas dans le centre-est du bassin, dans la région du Lualaba, où se trouvent trois des cinq plus grandes villes du pays. Les scientifiques y ont constaté une forte diminution du débit de la rivière.
La grande avancée scientifique de ce travail a été de mettre en lumière la cause de cette sécheresse. Elle serait liée à un affaiblissement de la circulation atmosphérique régionale de Walker. Ce phénomène climatique, initié le long de l’équateur dans l’océan Pacifique, influence le régime des précipitations en Afrique. L’augmentation de la température des océans, due au changement climatique, entraîne un affaiblissement de cette circulation et, par conséquent, une baisse significative des précipitations sur le bassin du Congo.

Des scientifiques africains navigant sur un cours d'eau tropical.

Pour mieux comprendre le si vaste bassin fluvial du Congo, les scientifiques et partenaires régionaux ont uni leurs forces dans une initiative collaborative inédite.
© IG

La menace des extrêmes climatiques

D’autres éléments doivent également être pris en compte afin de mieux appréhender le futur de ce gigantesque bassin. Il y a d’abord l’effet des activités humaines, en particulier la déforestation. Bien que le Congo ait été moins touché par ce phénomène que l’Amazonie, les répercussions de cette pratique sont considérables et peuvent, à partir d’un certain seuil — qualifié de « point de non-retour » —, faire basculer des écosystèmes entiers.
Le second facteur est l’augmentation de la fréquence et de l’intensité des événements climatiques extrêmes, tels que les sécheresses et les inondations. Sous l’effet du changement climatique en cours, ces phénomènes deviendront plus récurrents et plus déstabilisants.


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« Des études récentes ont montré qu’il y aura une sécheresse dans la partie nord et des inondations dans la partie sud du bassin, dans les pires scénarios de changement climatique. Malgré le fait d’être un bassin tropical, il n’est pas épargné par le risque de sécheresse, qui pourrait menacer les écosystèmes dépendants de la ressource en eau », souligne Benjamin Kitambo, hydrogéologue au Centre de recherche en ressources en eau du bassin du Congo, à Kinshasa en République démocratique du Congo.


La prise en compte de ces menaces est essentielle pour comprendre l’évolution à venir du bassin et garantir une gestion durable des ressources en eau, dont dépendent plus de 100 millions de personnes.


Arthur Hunaut pour IRD le Mag'

1. du Centre de recherche en ressources en eau du bassin du Congo et de la Commission internationale du bassin du Congo-Oubangui-Sangha

Source : https://lemag.ird.fr/fr/climat...

Contacts :

Fabrice Papa, LEGOS (IRD/CNRS/CNES)
Sly Wongchuig, LEGOS (IRD/CNRS/CNES)
Benjamin Kitambo, Centre de recherche en ressources en eau du bassin du Congo, Université de Kinshasa, République démocratique du Congo

Publication : 

Sly Wongchuig, Fabrice Papa, Ayan Santos Fleischmann, Juan Pablo Sierra, Julien Boucharel, Jhan Carlo Espinoza, Benjamin Kitambo, Rômulo Jucá Oliveira, Adrien Paris, Rodrigo Paiva, Pauline Casas & Raphael Tshimanga, Recent significant drying in Central Congo Basin linked to Weakened Walker Circulation and Warmer Atlantic, npj Clim Atmos Sci, 3 Septembre 2025,
DOI : 10.1038/s41612-025-01225-3]

Photo : © IRD - Alain Laraque