TOULOUSE, capitale de la météo, Intelligence artificielle , supercalculateurs et âneries à grande vitesse

Publié par PLISKINE ROBERT, le 7 décembre 2025

Tout le monde parle d'"Intelligence artificielle" et de la nécessité d'utiliser des supercalculateurs pour cela. Mais il existe un domaine du quotidien qui utilise ces machines : la météo, capitale TOULOUSE. Alors, ces supercalculateurs, qu'est-ce que c'est, comment ça marche, à quoi ça sert ? 

****************************************************************************************************

"Allo ! Ici Météo-France à Toulouse, nous venons de récupérer 10,74 pétaflops ! "

Non, ce n'est pas un message secret mais l'annonce de performances dans un domaine qui concerne chacun de nous dans sa vie quotidienne ; la météo. 

  • 10,74 pétaflops : la puissance crête de chaque nouvelle des 2 machines "supercalculateurs" de Météo - France à Toulouse  ( 2,5 fois la génération précédente), donc 21,48 pétaflops au total.  Qu'est-ce que c'est ? comment ça marche ? à quoi ça sert ?  A faire des prévision météo .
  • Il s'agit de supercalculateurs ("array processors") , c'est-à-dire d'ordinateurs capables uniquement de faire du calcul scientifique. Mais ils le font très très vite et très très bien. 
  • Leur puissance de calcul se mesure en "flops", qui - contrairement à une croyance populaire, ne sont pas le nombre d'erreurs qu'ils font par seconde - signifie " Floating Operations per Second", ou " opérations en virgule flottante par seconde" . De même la virgule flottante n'est pas un navire ni un moyen de calculer l'horaire des marées, mais la notation scientifique a x 10**b . Le singulier de "flops" n'est pas "flop" (qui est une faute d'orthographe) mais "flops" . 1 pétaflops = 10**15 ou 1 million de milliards d'opérations par seconde.

Pour comprendre comment ça marche, prenons une analogie : le restaurant . 

Il existe 2 principaux types de restaurants (pas seulement les bons et les mauvais!):

- la restauration classique où chaque client reste attablé , et où un cuisinier prépare à la demande une variété - qui peut être très grande - de plats qu'un serveur va chercher quand ils sont prêts et apporte au client. Quand le plat est dégusté, le même processus se reproduit pour le plat suivant etc ... On voit que le temps total du service est la somme de ces 3 étapes, dont chacune prend un temps variable selon le temps de préparation (une grillade ou un plat mijoté) , du service (selon l'emplacement de la cuisine et la taille du restaurant), le temps de dégustation et le nombre de plats du menu. C'est un système très souple, mais dont la durée peut être très élevée et imprévisible a priori. C'est le processus utilisé par les ordinateurs classiques, qui travaillent en série, peuvent faire n'importe quoi avec un seul processeur selon le programme (menu et recettes) d'écriture totalement libre qu'on lui offre mais une opération après l'autre.

- le "self-service" , dont le nom anglais a autant de rapport avec le Français que ce qu'il sert avec la gastronomie française. Dans ce cas, le cuisinier prépare un nombre limité de plats différents (entrées, plats principaux, garnitures, desserts), mis tous ensemble à la disposition des clients qui se mettent en file pour choisir ce qu'ils veulent, et les transportent eux-mêmes à une table. L'étape du serveur du restaurant est supprimée, le client en faisant office. Surtout, la durée de chaque étape (par exemple le choix d'une entrée)  est à peu près la même pour tous les clients, à chaque étape la file des clients avance d'un cran vers l'étape suivante jusqu'à la sortie (paiement et départ pour une table). On conçoit qu'après un temps d'initialisation (celui que le premier client met à remplir son plateau et payer) à chaque "top" toute la file avance d'un cran et un client est servi. Ce système va plus vite que la restauration classique, mais ses possibilités de choix sont plus limitées par la structure de la chaîne. 

Néanmoins il est possible d'atteindre la haute qualité de la grande gastronomies en transposant ce principe à la préparation des plats . Dans ce cas, pour chaque type de plat, un cuisinier de compétence limitée prépare un type de plat (ou même est spécialisé dans une étape comme découpe, grillade, sauce , montage) ,  il faut donc autant de cuisiniers que d'étapes de préparation des plats , tous travaillent en parallèle sous la supervision d'un " Chef" .  Les grands restaurants travaillent de cette façon d'organisation quasi-militaire dite "Escoffier" qu'on appelle justement une brigade, la qualité de la cuisine peut être très grande car chaque étape étant réalisée par un cuisinier expert dans cette étape (saucier, rôtisseur ...) elle peut être une réussite, et la variété des plats offerts et servis " à la minute" peut être aussi grande que le nombre d'étapes et le nombre de cuisiniers (par exemple, une garniture comme des haricots verts cuits à la vapeur peut accompagner un grand nombre de grillades ou de salades) . On peut servir un grand nombre de plats et de clients et l'optimisation consiste à décomposer chaque plat en un certain nombre d'étapes ou de spécialisations pour que le temps global de préparation et de service permette de servir le plus grand nombre possible de convives et d'améliorer le bilan économique sans sacrifier la qualité.    .

Une autre analogie, plus technique et plus régionale Occitanie pour son exemple : l'emballage des comprimés pharmaceutiques sous blister. 

Comment fonctionne une chaîne d'emballage ? 

D'un côté des comprimés en vrac, de l'autre des boîtes contenant un ou plusieurs blisters remplis et une notice. Entre les deux plusieurs opérations en chaînées : création du blister, son remplissage, mise en boîte des blisters et de la notice. 

Pour ne pas transformer cet article en étude sur l'industrie pharmaceutique ni découvrir des secrets  industriels, des approximations volontaires sont utilisées.

Détaillons une des étapes : la mise en boîte. D'un côté une chaîne approvisionne en blisters, une en notices , une en boîtes vides pliées. 

Si on utilise un seul opérateur , humain en raison de sa souplesse de manipulation, il travaille en série : il prend une boîte, la déplie, la maintient ouverte , prend un à un le nombre de blisters voulus, la notice, dépose le tout dans la boîte et la referme. La  durée d'opération est la sommes des durées de ces 7 opérations élémentaires, dont chacun dure le temps nécessaire à les réaliser, compte tenu de la vitesse de l'opérateur et des temps additionnels pour prendre l'outil nécessaire. Ce n'est que lorsque l'opérateur a terminé toutes les étapes qu'il peut prendre en charge l'objet suivant .  . 

Si on utilise une "machine transfert", qui est un ensemble de dispositifs simples capables uniquement de faire un seul type d'opérations, mais très vite et qui intègrent déjà l'outil nécessaire, on va avoir 7 dispositifs qui travaillent en parallèle, une chaîne de transport apportant à chacun l'objet qui attend cette opération. A chaque "top", chaque dispositif fait son travail élémentaire, la chaîne avance d'un cran pour apporter l'objet à l'outil suivant .C'est également le principe du travail à la chaîne, ou "Fordisme", utilisé largement dans l'industrie automobile, mais où maintenant les " ouvriers spécialisés" réduits à l'état d'automates (cf : Charlot dans " Les temps modernes") sont remplacés par des robots. On constate qu'après une durée d'initialisation ( durée nécessaire à ce que la première boîte soit remplie) à chaque "top" une boîte pleine sort de la chaîne . La durée d'opération globale est celle de l'étape la plus longue, qui peut être extrêmement courte si on divise l'opération globale par autant d'opérations élémentaires que nécessaire, en augmentant le nombre d'outils, et des outils de plus en plus rapides et que leur opération est plus simple et plus rapide. Chacun a pu voir un film des années 1920 où des Ford T sortent à la queue leu leu de l'usine, toutes identiques mais très vite. 

C'est le principe des supercalculateurs, ou "calculateurs parallèles" où chaque étape du calcul est faite par un processeur et travaille simultanément avec les autres, en parallèle.

On conçoit qu'au lieu d'avoir un processeur et un temps de calcul somme de toutes les N étapes, on travaille avec N processeurs chacun dédié à UNE étape . Après le temps d'initialisation qui est la somme de toutes les étapes intermédiaires  la durée de calcul globale est celle de l'étape la plus longue. L'optimisation consiste à diviser un calcul en autant d'étapes que nécessaire (instructions du programme), puis d'optimiser chaque étape en la redivisant en étapes intermédiaires, pour finir en écrivant des modules élémentaires dans un langage aussi près que possible de celui de la machine ( assembleur puis binaire), et de confier chaque étape à un processeur spécialisé, voire câblé s'il s'agit d'un calcul standard ( les opérations élémentaires de l'arithmétique ou du calcul booléen), ou donner accès à des valeurs numériques calculées une fois pour toutes ( constantes mathématiques ou physiques, fonctions trigonométriques etc...) . Comme la durée d'un calcul n'est plus la somme de celles de toutes les étapes, mais celle de l'étape intermédiaire la plus longue, l'idéal est d'arriver à des durées d'opérations élémentaires aussi courtes et semblables que possible, la vitesse de calcul étant limitée par celle de l'étape la plus longue. .  

En pratique, par rapport à un ordinateur classique, on joue sur tous les tableaux : la vitesse de chaque processeur, la durée de chaque étape intermédiaire et le nombre de processeurs. On arrive à cette vitesse de calcul fantastique en utilisant un très grand nombre de processeurs de vitesse d'horloge limitée, mais de vitesse d'exécution très grande car ils ne font qu'une chose, mais très vite. 

Problème :  plus le nombre de processeurs est grand (300 000 à Météo-France Toulouse) , plus le processeur "central", le "Chef de brigade", celui qui synchronise tout le travail des autres, est de programmation complexe . C'est la fonction des 600 ingénieurs prévisionnistes et  programmeurs de niveau exceptionnel qui ont pour mission de faire fonctionner l'ensemble avec  les meilleures performances permises par la machine. 

******************************************************************************************************

A quoi ça sert de faire autant de calculs.? Pour faire des prévisions météorologiques .

Pourquoi faut-il le maximum de précision, c'est-à-dire savoir où et quand précisément se produira tel phénomène ?  Parce qu'il intéresse des activités de plus en plus précises et importantes. Par exemple , savoir que demain il y aura du brouillard et une température en +5°C et -5°C  sur l'Occitanie intéresse la population générale pour savoir comment d'habiller . Savoir qu'il fera de 5 h à 10 h entre +3°C et -3°C sur le nord de la Haute-Garonne intéresse les transporteurs et les automobilistes toulousains car ce sont des conditions difficiles et sujettes à des brouillards givrants créant du verglas sur les routes, et intéressant l'aéroport de Blagnac pour prévoir des retards, voire un déroutage des avions dans la matinée. Si on est encore plus fin et qu'on sait à quelle heure précise et en quel endroit précis à quelques centaines de mètres près auront lieu les conditions de brouillard givrant, seules les circulations concernées devront prendre des précautions, et c'est très différent pour Blagnac de savoir si telle piste sera givrée ou si seule l'autoroute menant au terminal le sera, et donc prévoir quels sont les vols à différer ou dérouter.

Mais si les Lois de la physique sont les mêmes en tout lieu et en tout temps, de même que les calculs appliquant ces lois pour déterminer les conditions météo, calculs extrêmement lourds, on traite l'atmosphère qui est une zone très instable, où chaque lieu ou "cellule" est soumis à l'influence des voisins et cela de proche en proche sur l'ensemble de l'atmosphère. C'est la " théorie du papillon" , le battement d'ailes d'un papillon peut déclencher des tempêtes à l'autre bout de la Terre . Pour être précis, il faut découper la Terre et surtout son atmosphère en cellules de plus en plus petites, et obtenir les valeurs des paramètres, surtout température, humidité, vitesse et orientation du vent , correspondantes . Passer de cellules de 100 km de côté et de 5 km d'épaisseur sur 24 heures (météo grand public)  à des cellules de 1 km de côté et de 1 km d'épaisseur sur 1 heure en multiplie le nombre par 1 200 000 , et donc le calcul d'autant . Si vraiment on veut des prévisions à 100 m de côté, 100 m d'épaisseur et 5 minutes il faut encore multiplier par 12 000 le nombre de calculs . Qui plus est , la précision  de ces calculs doit être d'autant plus grande : si on se contente d'un  calcul sur 32 bits, on a une incertitude 1/ 10 000 à chaque opération, ce qui fait qu'au bout d'environ 10 000 calculs (une goutte d'eau dans l'océan d'un calcul météo) la taille de l'incertitude est du même ordre que la mesure, et donc sans intérêt . Si on passe en 64 bits, on multiplie la précision par 60 000 , et c'est insuffisant . Il faut travailler au moins sur 256 bits pour avoir un résultat acceptable . 

En bref si j'ose dire, faire 100 millions de calculs en 256 bits pour avoir le résultat pour une seule période d'une seule zone implique des milliards de calculs à faire en quelques secondes , d'où la puissance de calcul nécessaire . Si on veut des précisions à plus long terme , 3 voire 4 jours, et sur une zone plus vaste,  et nous allons voir pourquoi c'est nécessaire, il faut des millions de milliards de calculs . Et concevoir les algorithmes nécessaires.  

******************************************************************************************************

Les prévisions météo sont essentielles et confiées surtout à Météo-France.?

Météo-France est le service officiel de la météorologie et de la climatologie en France. Il s'agit d'un établissement public administratif sous la tutelle du ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. Il assure la sécurité météorologique des personnes et des biens : pour cela il prévoit et étudie les phénomènes météorologiques, l'état du manteau neigeux, de la surface de la mer et l'émission des vigilances météorologiques en métropole et outre-mer. Météo-France conserve la mémoire du climat et élabore des projections climatiques globales et régionales.

A quoi servent les prévisions météo ? 

Hormis servir de prétexte aux chaînes TV pour nous montrer de charmantes dames entre deux pubs, elles servent  à prévoir les conditions météo présentes au moment de faire une activité. On conçoit qu'il faut aller très vite, les prévisions qui nous donnent le temps qu'il a fait hier sont sans intérêt.

Hormis pour savoir comment s'habiller - ce qu'on peut déterminer en jetant un coup d'œil à l'extérieur - les prévisions météo à plus ou moins long terme et sur une zone plus ou moins grande impliquent un très grand nombre d'activités du quotidien . 

[ Cette partie sera traitée dans un autre article, dont voici les têtes de chapitre]

SPORTS : ski, tennis, rugby

Voyages ; programme, perturbations

Transports : météo, brouillard, pluie, verglas, hautes températures, autoroutes sans verglas , aérien (itinéraire, pistes)

Travaux publics : chantiers, personnel

Agriculture : récoltes orages

Mer : Pêche, transports maritimes

Prévention des catastrophes.