Soigner malgré les cyclones : vers un système de santé résilient
Publié par IRD Occitanie, le 4 décembre 2025 1
Une
étude à Madagascar montre comment renforcer les systèmes de santé
ruraux pour les rendre plus résilients face aux aléas naturels.
Depuis toujours Madagascar est habituée
aux tempêtes. Mais ces dernières années, leur fréquence et leur violence
dépassent tout ce que les habitants avaient connu. Quand le cyclone
Batsirai a frappé la côte est de la Grande île en 2022, routes, ponts et
dispensaires ont été balayés. Pendant des semaines, certains villages
se sont retrouvés isolés, privés de soins et de médicaments.
Dans le
district rural d’Ifanadiana, une équipe de scientifiques et de
professionnels de santé a observé de près ces bouleversements. Il
s’agissait de comprendre comment un système de santé local peut mieux
résister aux chocs climatiques, et quelles leçons en tirer pour
l’avenir.

« Nous
avons comparé deux zones : celle où nous menons des programmes de
renforcement du système de santé depuis une dizaine d’années, et celle
où cet appui venait tout juste de débuter », explique Elinambinina
Rajaonarifara, biostatisticienne à l’ONG PIVOT, qui s’emploie localement
à améliorer les infrastructures, former le personnel, soutenir les
programmes cliniques, renforcer la santé communautaire et faciliter
l’accès aux soins pour tous.
Le cyclone Batsirai a servi de crash-test
grandeur nature. De fait, là où les équipes, les infrastructures et la
logistique avaient été préparées, le système a bien mieux tenu. Les
centres de santé ont rouvert plus vite, les ruptures de médicaments ont
été moins graves et les vaccinations ont repris plus tôt.

« La résilience, ce n’est pas seulement un mot à la mode, c’est la capacité d’un service à continuer à soigner quand tout s’effondre autour, ou à s’y remettre très vite une fois l’événement passé », explique Andres Garchitorena, épidémiologiste à l’IRD, au sein de l’unité MIVEGEC.
Le climat, nouveau patient du système de santé
Au-delà
des infrastructures, c’est la logique même du système de santé qu’il
faut repenser. Car les cyclones, sécheresses et inondations ne
provoquent pas que des dégâts matériels : ils bouleversent aussi les
équilibres sociaux et sanitaires. Après une catastrophe, les maladies
hydriques se multiplient, la malnutrition s’aggrave, les grossesses non
suivies augmentent.
Dans ce contexte, la santé devient la première
ligne de défense face au changement climatique. Pourtant, Madagascar —
comme bien d’autres pays du Sud — n’a en presque rien contribué aux
émissions responsables du réchauffement. Cette injustice renforce
l’urgence d’agir. « Le climat agit comme un amplificateur des
inégalités. Là où les systèmes sont déjà fragiles, il transforme les
crises en catastrophes », estime Andres Garchitorena.
Mais cette étude apporte aussi une note d’espoir. Les données d’Ifanadiana montrent qu’un système de santé renforcé, formé et connecté à sa population, peut absorber le choc et se reconstruire plus vite. Les communautés qui avaient participé à la planification des réponses locales ont montré une capacité d’adaptation remarquable : partage d’informations, entraide, réorganisation des transports pour évacuer les malades.
Renforcer la santé face
au climat, c’est surtout anticiper grâce à la formation, aux stocks
d’urgence, à la numérisation des données et à la coopération avec les
communautés
© Image générée
Au-delà
du cas malgache, la résilience des systèmes de santé est devenue un
enjeu global. Car le changement climatique est une réalité quotidienne.
Chaque cyclone, chaque inondation ou vague de chaleur met ces systèmes à
l’épreuve. Et ce sont souvent les plus pauvres, vivant loin des grandes
villes, qui en paient le prix.
Prévenir plutôt que réparer
Renforcer
la santé face au climat, ce n’est pas seulement construire des hôpitaux
résistants. C’est aussi apprendre à anticiper. Cela passe par la
formation du personnel, la constitution de stocks d’urgence, la
numérisation des données pour suivre les épidémies, et surtout une
coopération étroite avec les communautés. Ce type d’approche exige du
temps et des moyens, mais aussi une reconnaissance politique : la santé
doit être considérée comme un pilier de l’adaptation climatique, au même
titre que l’agriculture ou l’énergie.
Madagascar incarne ce défi à
la fois sanitaire et humain. Malgré la pauvreté, des initiatives à
l’échelle locale montrent la voie avec la mise en place d’équipes
mobiles de soins, de programmes communautaires de prévention, et des
partenariats entre chercheurs, ONG et autorités locales. Ces efforts
modestes dessinent les contours d’une politique nouvelle, fondée sur la
solidarité, l’anticipation et les preuves scientifiques.
L’enjeu n’est plus de savoir si le climat affectera la santé, mais comment s’y préparer. « À Ifanadiana, l’expérience prouve qu’un système ancré dans son territoire peut devenir une barrière contre les crises futures », conclut Elinambinina Rajaonarifara.
Olivier Blot, IRD le Mag'
Source : https://lemag.ird.fr/fr/soigne...
Contacts :
Andres Garchitorena, MIVEGEC (IRD/CNRS/Université de Montpellier)
Elinambinina Rajaonarifara, ONG PIVOT et Ecole normale supérieure, Université de Fianarantsoa, Madagascar
Publication :
Michelle V. Evans, Elinambinina Rajaonarifara, Andres Garchitorena, Fianamirindra A. Ralaivavikoa, Paulea Eugenie Rahajatiana, Karen E. Finnegan, Laura Cordier, Luc Rakotonirina, Bénédicte Razafinjato, Tokiniaina M. Randrianjatovo, Christophe Révillion, Malazafeno Jocelyn Mbimbisoa & Matthew H. Bonds, Designing and Evaluating a Health System Resilient to Extreme Weather Events in Rural Madagascar, Annals of Global Health, 22 juillet 2025
DOI : 10.5334/aogh.4759
Photo de bandeau : © IG
